Histoire du savon et des lessives

Publié le par exposition jours de lessive


        Il n’y a pas encore aujourd’hui de lavage du linge sans lessive. Elément indispensable, le produit lessiviel a beaucoup évolué au cours du siècle. On peut identifier trois produits phare : le savon, la lessive et l’eau de Javel.

Avant l’industrialisation de ces produits, le lavage s’effectuait avec différents composants que l’on trouvait dans la nature. La Bible évoque le lavage avec le Trona (des formules de savon à base de soude naturelle, qui forme une croûte au bord de certains lacs salés) et la potasse. On sait que les tiges et les racines de la saponaire étaient utilisées.

L’urine était utilisée par les foulons romains, et on lit parfois que ce produit était encore utilisé au début du XXe siècle, notamment pour le traitement des draps bleu d’officier de marine.

Pour le blanchissage des produits d’origine végétale (chanvre, lin, coton), le pouvoir dissolvant de l’eau a toujours été renforcé d’additifs trouvés dans la nature : efflorescences salines, produits proches du salpêtre du sol, colloïdes des sols argileux, urine putréfiée, herbe de Borith ou saponaire[1] (« herbe des foulons »), cendre de bois ou de fougères, Pissat, fiel de bœuf, terre à foulon, plumes de poussins…

Le blanchissage de la laine ou de la soie relevait d’un travail différent. Chez les romains, la laine était dessuintée avec de l’urine humaine (redevance imaginée par l’Empereur Vespasien). Et on peut d’ailleurs lire dans la revue L’Art Ménager de septembre 1928 : « En Islande, on a également conservé ce procédé, et les femmes emploient l’urine mélangée avec de la cendre. »

 
Le Savon
 

Tous les éléments du savon ont toujours été utilisés : huiles, cendres de plantes contenant de la soude ou de la potasse. Le savon est une substance détersive, qui émulsionne les corps gras des taches, c’est-à-dire les réduits en fines gouttelettes, que le rinçage à l’eau entraîne ensuite.

Le mot savon viendrait du mot gaulois sapo (certains disent de la ville italienne de Savone) mais il n’est pas d’origine gauloise (il y a un vrai débat sur ses origines gauloises). Les Gaulois fabriquaient un savon à base de cendre de hêtre et de graisse de chèvre, dont ils se servaient pour teindre les cheveux. Il faudra attendre le IVème siècle pour que le savon soit utilisé pour la toilette et l’entretien du linge.

                C’est la civilisation arabe qui a fait évoluer l’usage du savon, en ajoutant à sa composition de la cendre de varech, riche en soude et en remplaçant la graisse animale par l’huile d’olive. Les premiers ateliers artisanaux de fabrication de savon s’installent sur les rives de la Méditerranée et notamment à Marseille dès le XIVème, marquant le début de la longue histoire du célèbre « Savon de Marseille ». Au XVIIème siècle, le stade artisanal est dépassé et Marseille compte alors trois fabriques de savon.

 

On fait aussi du savon avec de la lessive, à condition que celle-ci ait une concentration convenable ; on la mélange avec de la graisse de bœuf, de porc ou de mouton fondue, ou de l’huile végétale. Avant que le mélange ne refroidisse, on y fait fondre du sel qui finit par se déposer au fond du récipient tout en durcissant le savon. Quand le sel s’est déposé, on se débarrasse de l’eau salée et on verse le savon encore liquide dans les moules en bois doublés d’un tissus humide. On y ajoute des colorants (sans alcool qui détériore le savon : carotte, betterave, épinard…) et des parfums (lavande, romarin, citronnelle, thym…). Ce savon s’améliore avec le temps.

 

« Pour faire du savon, versez dans une bassine deux litres et demi d’eau, 150 grammes de résine ou gomme arabique, un paquet d’un demi-kilo de bougies (à couper en morceau en prenant soin d’enlever les mèches). Tournez le tout pendant un quart d’heure. Ajoutez 300 grammes de soude caustique, tout en continuant la cuisson pendant un bon quart d’heure. Retirez du feu et moulez dans une boîte en fer. Laissez refroidir et démoulez. »

            Avec l’avènement de la lessiveuse, les femmes utilisent des lessives artificielles telles que les cristaux de soude ou du savon en paillette. C’est la généralisation des machines à laver dans les années 1960, qui fait triompher les lessives en poudre. Le savon est toujours utilisé pour le linge délicat et la layette de bébé.

 
Eau de Javel
 

   A la suite du chimiste et pharmacien suédois Scheele (1742-1786) qui isole les propriétés du chlore, Claude Louis Berthollet (1748-1822) découvre ses propriétés décolorantes. La concentration est affaiblie en dissolvant le chlore dans de l’eau additionnée d’un peu de carbonate de soude. La première expérience publique à lieu à l’usine de Javel, localité proche de Paris (aujourd’hui dans le XVème arrondissement) où s’activent des lavandières. D’où le nom d’eau de Javel.

    Ce n’est pas l’oxygène de l’air qui blanchit les toiles sur les prés, mais sa combinaison avec les matières hydrogénées qui colorent les tissus, parce qu’il est transformé en ozone sous influence de la lumière solaire.

L’efficacité de l’eau de Javel dépend de trois facteurs : le dosage, la température de l’eau et le temps de trempage. Mieux vaut l’utiliser dans un bain froid, pendant peu de temps. Autrement dit, l’eau de Javel employée à chaud est très efficace, mais risque d’attaquer les fibres textiles. Rincez toujours beaucoup, car le chlore continue d’agir dans le linge sec et repassé.

 
Lessive
 

Jusqu’à l’arrivée des lessives chimiques, on obtenait la lessive en laissant l’eau traverser la cendre du charrier. Le sel de potasse contenu dans les cendres se dissolvait et formait une sorte de savon avec les graisses qui constituaient généralement la saleté du linge. Pour que la saponification s’effectue d’une manière complète, il importait que la lessive ne dépasse pas un certain degré de concentration. « Il faut se garder de la faire chauffer jusqu’au point de la faire bouillir ; car la trop grande chaleur, loin de détacher la crasse et les matières grasses (…) gâte le linge. » précise l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

 

A la cendre, peu à peu se substituent les cristaux de soude. C’est en raison de la propriété de la potasse de dissoudre les corps gras que l’on conserve les cendres. Les sels de soude, les cristaux surtout, sont connus depuis longtemps. Avant 1792, la soude provenait exclusivement de la combustion de végétaux marins. Elle est surtout importée d’Espagne et coûte chère. On en a besoin dans les verreries, pour l’éclairage des villes, pour la fabrication de savons durs… Elle a la même propriété que la potasse et ses cristaux se dissolvent bien dans les eaux calcaires, les adoucissent et ont un pouvoir anti-redéposant.

Soucieuse d’assurer l’indépendance économique, l’Académie royale des sciences organise un concours en 1773. Il est remporté par Nicolas Leblanc qui a mis au point avec Dizé la soude artificielle (les cristaux de soude) à partir de sel marin. Les deux chimistes forment devant notaire avec le duc d’Orléans une compagnie d’exploitation de leurs procédés. Mais les aléas une fois le duc d’Orléans guillotiné, l’affaire est confisquée. Ruiné, Nicolas Leblanc se suicide en 1806.

Lorsque la soude artificielle est commercialisée, les Françaises la substituent petit à petit à la lessive à la cendre.

Les lessives oxygénées du genre « persil », « perbo », se composent de carbonate sodique, de savon en poudre et de perborate sodique. Elles exercent sur le linge une double action : un décrassage, dû à l’action du savon et de l’alcali ; un blanchiment véritable, produit par décomposition du perborate, qui fournit de l’eau oxygénée. Les lessives oxygénées doivent être, autant que possible, employées avec une petite machine à bouillir, sans que, d’ailleurs, le liquide soit porté à ébullition.

Aujourd’hui, une lessive est loin d’être un produit de commodité. Il y a vingt à trente ingrédients dans une lessive. Les tensioactifs sont les moteurs de la lessive : ce sont eux qui permettent à l’eau de pénétrer dans les fibres pour aller extraire la salissure. Une fois la salissure grasse en suspension dans l’eau, les agents anti-redéposition évitent qu’elle se redépose sur le linge. L’eau étant calcaire, les lessives contiennent des agents anticalcaires qui permettent d’éviter l’action du calcaire (incrustation des taches). On trouve des agents de blanchiment.

On trouve aussi des enzymes :

-         les protéase vont dégrader (c’est-à-dire casser en morceau pour rendre plus soluble dans l’eau) les protéines que l’on trouve par exemple dans les taches d’herbe.

-         Les amylases dégradent les tâches qui contiennent de l’amidon

-         Les lipases, celles qui contiennent des lipides (sébum, transpiration)

-         Les phosphonates sont introduits en quantités très faibles et remplacent les phosphates (à l’origine de la multiplication des algues dans l’eau).

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Petite chronologie :
 

1933 : apparition de lessives de savon avec perborate, Persil de Lever

 

1952 : apparition des détergents de synthèse, Omo de Lever

 

1959 : apparition des lessives à mousse contrôlée, Skip de Lever

 

1966 : Apparition des assouplisseurs, Soupline de Colgate-Palmolive

 

1967 : apparition d’une poudre spéciale : textiles modernes, Coral de Lever

 

1968 : Apparition des lessives biologique, Ariel de P&G

 

1971 : tous les détergents sont biodégradables

 

1979 : apparition d’activateurs de blanchiment à basse température ; Système TEAD, Skip de Lever

 

1981 : Adaptation d’autres lessives pour le lavage à basse température, Ariel, P&G

 

1982 : Apparition des premières lessives liquides, Vizir de P&G et Wisk de Lever

 


[1] Plante sauvage qu’on trouve souvent près des rivières. On fait bouillir ses feuilles dans l’eau pour obtenir un liquide mousseux qui servait à laver les lainages.

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